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DLO

« Cette question de l’eau, c’est la vie ou la mort pour nous, la salvation ou la perdition. »

Gouverneur de la Rosée, Jacques Roumain

Quenépier de Lakou Da, où la plupart des victimes ont été exécutées et au pied duquel elles ont été enterrées.

Émile Dalton, membre de la famille Eliazaire.

J’habitais à Kazal, dans un endroit appelé Ma Kafe. Pour moi, trois faits sont à la base de la révolte à Kazal en 1969, qui sera sauvagement réprimée. Il y avait la question des taxes qui sont passées de 5 à 15, 20, 30 gourdes parfois. Il y avait aussi le problème de l’accès à l’eau : on ne pouvait utiliser l’eau de la rivière qu’une fois par semaine. La troisième raison, c’est qu’il y avait un mouvement de résistance installé à Kazal qui visait au renversement du régime de Duvalier. Ce mouvement comptait plusieurs membres : Willy Eliazer, Jérémy Eliazer, Max Bellenau, Alix Lamaute, Belizaire Cajuste, Benoit Phillantus et Roger Méhu. La majorité était de Kazal, les autres étaient des gens d’ailleurs, comme Alix Lamaute et Roger Méhu. 

Ce mouvement ne concernait pas uniquement Kazal, c’était quelque chose de plus étendu. À Croix-des-Bouquets, Saut-d’Eau, Cabaret, il y avait aussi des résistants. Des militants de Kazal sont partis pour recevoir des formations à Carrefour, et des gens sont également venus de Port-au-Prince pour nous former. Ils ont même envoyé des gens prendre des formations à l’étranger. L’objectif était de faire un front commun et de frapper le régime en même temps. Mais avec les abus qui se déroulaient à Kazal, nos hommes n’ont pas pu attendre le moment pour agir et tout est tombé à l’eau. 

Dans la matinée du 27 mars, on a enlevé et déchiré le drapeau noir et rouge duvaliériste au poste des miliciens. Le chef de section, qui était aussi officier d’État civil, Saintervil Dupervil, est descendu à Cabaret pour faire son rapport dans l’après-midi. Les miliciens ont alors envahi Kazal et les résistants ont pris le maquis. La répression a été terrible. Il y a eu beaucoup de viols. À la maison de M., on a dû jeter les matelas après les événements, tant on a violé de jeunes filles dessus. Plusieurs miliciens venus d’ailleurs ont par la suite pris femme ici, ils ont eu plusieurs enfants et se sont installés à Kazal. Après le départ de Duvalier, les macoutes étaient encore au pouvoir, la machine de la répression était en pleine forme et nous n’avons pas osé nous venger. 

L’histoire du massacre est complexe. Quelques-uns en ont profité pour régler leurs comptes. Certains habitants de Kazal ont participé au pillage de la maison de leurs voisins. Comment les attaquer ? Cela aurait signifié démarrer une guerre entre familles. C’est pourquoi, beaucoup se sont opposés à cette question de vengeance. On n’osait pas intenter d’actions en justice, de toute façon la justice n’existe pas dans ce pays. Les commémorations elles-mêmes n’ont commencé qu’après la chute de la dictature en 1987. C’était une initiative des habitants de Kazal et d’autres personnes de Port-au-Prince qui avaient perdu leur famille dans le massacre.

K. P., agent de santé communautaire, ancien membre du mouvement de résistance à Kazal.

Fond Blanc, Kazal

Entretien avec Morivia Joseph

Habitante de Kazal et témoin directe du massacre du 29 mars 1969

Lire la retranscription en français

Interview de Morivia Joseph - Dumas Macon
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"Avant on ne faisait qu’une seule famille. C’est fini maintenant. Chacun garde sa rancune et fourbit sa colère. Il y a nous et il y a les autres. Et entre les deux : le sang. On ne peut enjamber le sang. (...) Ainsi un nouvel ennemi se dressait dans le village et le divisait aussi surement que par une frontière. C’était la haine et son ruminement amer du passé sanglant, son intransigeance fratricide"

Gouverneur de la Rosée, Jacques Roumain

Une femme avec un sceau de sable. Rivière Bretelles, Kazal.

(Photo à droite) Cérémonie de baptême dans la Rivière Bretelles, Kazal.

Croix représentant Baron Samedi* à l’entrée de Kazal.

 

*Personnage du vodou haïtien il est le dieu de la mort, le maitre des cimetières.  

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